it's you and me now. (r.)

Ne revivez le passé que s’il vous sert à construire le futur.

« Alors, sœurette, tu m’invites pas à entrer ? » Je restais paralysé face à ce visage familier. Je n’avais pas besoin de chercher dans les méandres de ma mémoire pour savoir que mon frère se trouvait en face de moi, et à en juger les sacs qui l’accompagnaient, ça ne risquait pas d’être une simple visite pour me demander comment j’allais. Des années que nous nous n’étions pas vus, et pourtant, Leon avait toujours ce visage d’ange qui était le contraste évident d’une personnalité des plus difficiles. On avait gardé le contact, en se téléphonant le plus régulièrement possible. Et ma seule question était de savoir comment il avait fini par me trouver. Depuis ma séparation, je ne lui avais pas parlé, j’avais tout quitté sans me retourner. Son sourire espiègle m’énervait toujours autant, à présent, je ressentais juste l’envie grandissante de lui administrer une claque pour toutes les difficultés qu’il a pu me faire ressentir, et je sentais que je n’étais pas au bout de mes peines avec un frère comme lui. « T’as encore des ennuis ? » C’était ma question habituelle lorsque je lui parlais. Je savais qu’il avait toujours eu une facilité à se mettre dans les situations délicates. Selon moi, ce trait de caractère était de famille. Le seul problème était que lui s’engouffrer toujours dans ces situations, se fichant avec puissance des conséquences que cela pourrait entrainer. Je m’écartais du passage de la porte, pour pouvoir laisser Leon entrait dans ce petit appartement qui était le mien depuis quelques jours. Des cartons jonchaient encore le sol, et à en juger ma tenue décontractée, je commençais tout juste à déballer mes cartons. « Tu tombes bien, je suis en train de vider mes cartons. » C’était un message indirect, mais clair. Je savais pertinemment qu’il ne m’aiderait pas, mais on ne savait jamais. Dans un acte de bonté, ou de lumière, celui-ci éprouverait peut-être l’envie de me rendre tout ce qu’il m’avait plus ou moins pris. J’avançais vers la cuisine qui donnait ouvertement sur le petit salon, où Leon venait de déposer ses quelques sacs. Beaucoup auraient été heureux de revoir leur frère ou sœur depuis tout ce temps. J’aimais Leon, mais nous n’avions jamais été démonstratifs l’un envers l’autre. Encore moins avec les soucis que l’on avait rencontré avec notre père. « Tu es à Bryan depuis longtemps ? » Je savais que Leon voyageait beaucoup, ou en tout cas, je le présumais. Il ne m’avait jamais dit où il se trouvait, probablement par peur que je le retrouve, et que je l’oblige à revenir chez moi contre sa volonté. Sans même me douter que sa visite était justement pour trouver un toit qu’il savait parfaitement que j’allais lui offrir. Je m'étais peut-être éloigner de tout sentiments envers les gens qui m’entouraient, je n’en renierai pour autant pas mon petit frère.

« T'as encore des ennuis ? », sa voix, faussement inquiète, la spontanéité de sa réaction me firent rire. Évidement que j'avais des ennuis, j'avais toujours des ennuis. Mais il était évident que ce n'était pas pour cela que je me permettais de venir la voir. Je ne partageais jamais mes ennuis, ils étaient miens, et je préférais encore les assumer seuls. Je me permettais alors d'entrer dans ce que je considérais déjà comme mon nouveau chez moi. déjà à l'aise, je jeter mes quelques affaires sur ce canapé qui trônait dans le salon. me jetant dessus à mon tour, je souris à sa proposition implicite. « Tu tombes bien, je suis en train de vider mes cartons. ». me prélassant, je me contentais de lui offrir ce beau sourire de petit garçon paresseux qui voulait tout dire : jamais je ne me rendrais utile et ces cartons attendraient un autre moment, car il était inadmissible qu'ils passent avant moi. « Tu es à Bryan depuis longtemps ? » me redressant, je tirais ma manche, laissant apparaître une montre cabossée qui ne devait même pas être à l'heure. « à en croire cette vieillerie, je suis dans ce trou paumé depuis exactement trois heures, cinq minutes et une poignée de secondes. » sautant alors du canapé, je me rendais compte qu'un tour de l'appartement était nécessaire : il fallait que je décide dans quel coin j'allais m'installer. alors que je tournais dans la cuisine, en profitant pour chiper quelques sucreries, je repris la parole et les informations d'usage « d'ailleurs, pourquoi bryan ? c'est tellement... sordide. je t'imagine tellement peu vivre ici. » j'étais lancé, je n'allais pas cesser avec mes questions avant un bon moment. même si je voulais seulement savoir pourquoi elle ne m'avait pas prévenu de ce déménagement - ce que je ne lui demanderais jamais. « tu me fais faire le tour de ton bled pourri ? ou je me débrouilles seul ? » je continuais de lui tourner autour, farfouillant dans des cartons ouverts, jouant le parasite par excellence. « t'as de gentilles voisines ? » demandais-je dans un sourire équivoque. « au fait, je suis censé dormir sur le fauteuil ? ou cet honneur revient à la plus vieille ? » m'affalant de nouveau sur ledit fauteuil, je la regardais, sûrement épuisée à l'idée de devoir me supporter pour une durée indéterminée. « et sinon, comment tu vas ? raconte-moi tout. » j'étais enfin redevenu sérieux, laissant les enfantillages le temps de roder la situation.

Spoiler:

« À en croire cette vieillerie, je suis dans ce trou paumé depuis exactement trois heures, cinq minutes et une poignée de secondes. » Je relevais la tête de mon carton, inspectant mon frère d’un œil mi amusé, mi désespéré. Il avait toujours été comme ça, et pourtant, cela faisait si longtemps que je ne l’avais plus eu en face de moi. A cette simple pensée, mon cœur se serrait - laissant mes émotions que j’avais toujours réussi à enfouir, transparaitre. Émotions qui se stoppaient par l’attitude de mon frère. C’était mieux ainsi, je ne voulais pas devenir cette fille pleurnicheuse que j’avais pu être dans le passé. « D’ailleurs, pourquoi Bryan ? C’est tellement… Sordide. Je t’imagine tellement peu vivre ici. » Tandis que je le voyais roder autour de moi, comme si j’étais sa proie, d’un air totalement détachée, je disais. « J’avais besoin de changements, puis, on m’a proposé un travail ici, mieux payer que celui que j’avais à Manchester. » En fait, c’était faux, je ne voulais pas lui dire que j’avais quitté Manchester, parce qu’à chaque coin de rue, j’avais l’impression de revoir Josh. C’était douloureux, et rien que le fait de me souvenir de ses traits si charmeur me donnait mal au cœur, stoppant momentanément mon activité en évitant de justesse de faire tomber le verre que j’essayais de retirer de son papier. « D’ailleurs, comment t’as fait pour me retrouver ? » Il était vrai que je ne lui avais dit pour mon départ de l’Angleterre, comment avait-il pu me trouver sans information. Certes, Bryan était une petite ville, mais, comme il disait, c’était presque improbable de me trouver ici, tant j’aimais les grandes villes. J’avais soudainement la sensation d’être dans une forme d’interrogatoires, sauf que je n’étais pas en face de policiers. « Tu peux te débrouiller. Après tout, tu as su te débrouiller pendant toutes ces années, tu peux te débrouiller cette fois également. » Ce n’était pas méchant, juste réaliste. Et je savais qu’il ne le prendrait pas mal. En vérité, c’était presque un compliment sur son indépendance la plus complète. Il n’avait jamais demandé d’argents après son départ. Et j’avais été fortement impressionnée par son sens des responsabilités, une chose qui ne lui ressemblait pourtant pas. « T’as de gentilles voisines ? » Je me tournais entièrement vers lui, le visage faussement sérieux. « Non Leon, tu ne vas pas m’attirer d’ennuis avec mes voisins. Ce sont des personnes très gentils, et j’attends de toi que tu sois poli. » Parce que je me doutais qu’il allait rester avec moi, sinon, pourquoi balancer ses sacs dans mon appartement, et pourquoi cherchait-il autant à s’approprier les lieux. « Justement, vu que je suis plus vieille, j’ai besoin d’un bon lit, donc, tu dormiras dans le canapé. » Lui offrant un sourire presque suffisant. « Je compte sur toi pour m’aider un peu, vu que tu comptes t’inviter chez moi. » Je déposais le carton vide au sol, attrapant un autre carton, que j’ouvrai à l’aide d’un couteau. « Et toi, comment vas-tu ? Je suis sûre que tu as plus de choses à raconter que ta vieille sœur. » Je lui renvoyais la balle. Il ne savait pas que j’étais séparé de Josh, et qu’il était la raison de mon arrivée à Bryan. Je préférais l’entendre me parler de ces petites histoires personnelles, que de ma vie pathétique, qui ne tenait à présent qu’à deux choses : la nourriture, et mon travail.