KEEP CALM AND EAT ALL THE CAKE. (r.)

Nerveusement, Luffy fit tomber de la farine dans le saladier et regarda un moment la poudre blanche et fine en restant immobile au-dessus du plan de travail. De la farine s'était échappée de ses mains tremblantes et recouvrait le bois d'une fine couche poudreuse. Il la balaya d'une main et poussa un long soupir qui la fit voleter encore dans l'air, avant qu'elle ne retombe définitivement sur le plancher de la minuscule cuisine du studio non moins petit qu'il occupait avec son petit chien, Vaurien, qui regardait attentivement son maître en train d'essayer de réaliser une belle pâtisserie, ce dont il se savait incapable. Son esprit était ailleurs, et s'envolait par la fenêtre dès qu'il regardait dehors. Au-delà de Bryan, il y avait le monde, le monde tout entier, et il semblait à Luffy que les forêts, les grandes villes, les autres, murmuraient sans cesse son nom pour l'attirer au-dehors, un dehors aussi dangereux que séduisant. Mais il ne pouvait pas quitter Bryan. Il y avait ses études ici, ses amis, sa soeur et puis ... Il y avait Ilyès. Etrange de le compter parmi les choses qui le poussaient à rester ici. Etrange aussi, ce sentiment poignant et douloureux qui le saisissait à la poitrine à chaque fois qu'il repensait à la conversation qu'il avait eu avec Sutton Chamberlain. Elle était la petite amie d'Ilyès, selon ses dires, mais sa réaction en apprenant que son compagnon entretenait une liaison avec un homme plus jeune que lui n'avait pas semblé l'affecter. Peut-être n'avait-elle rien montré, ou tout simplement, rien ressenti. Luffy aurait bien voulu faire comme elle. Ne rien éprouver du tout à l'annonce de cette nouvelle, à laquelle, finalement, il aurait dû s'attendre. Peut-être devrait-il faire la même chose ? Vagabonder à droite, à gauche, sans se soucier de l'opinion du militaire ? Luffy demeurait indécis. Il ne parvenait pas à s'expliquer le malaise qui résonnait en lui quand il imaginait son amant dans les bras de sa petite amie. Ca ne l'avait pourtant pas empêché d'inviter le militaire ce soir-là, pour ... Pour il ne savait trop quoi, en vérité. Mais le fait était là : Ilyès allait arriver d'une minute à l'autre, rien n'était prêt et le salon, qui faisait également office de salle à manger et d'entrée, était un véritable champ de bataille. D'habitude, la propreté obsédait Luffy mais il ne se sentait pas la force de tout ranger avant que son invité arrive. Tout au plus sortit-il une bouteille de vin – drôle d'idée, pourquoi avait-il acheté ça, alors qu'il ne buvait pas de vin ? - et la posa sur la table en compagnie de deux verres. Il avait du fromage blanc glacé et du sirop de chocolat au frigo, mais il n'était pas sûr qu'Ilyès apprécie et s'abstint de le sortir, malgré le fait qu'il ait une brusque envie de fromage glacé, sans doute pour pallier à sa nervosité. Se tordant les doigts enfarinés avec angoisse, Luffy se mit à fixer la porte d'entrée comme si le diable allait en jaillir. Toc toc. Son coeur faillit bondir hors de sa mince poitrine et quand il se leva pour aller ouvrir, Luffy se rendit compte que ses jambes tremblaient légèrement. Dans l'encadrure de la porte, sans surprise, c'était Ilyès. Malgré tous les doutes qui l'assaillaient, Luffy ne put s'empêcher d'être ravi de le voir, comme à chaque fois. Un sourire vaporeux étira ses lèvres et il se dressa sur la pointe des pieds pour déposer un baiser-papillon sur la joue. « Salut. » murmura-t-il, avant de lui tourner le dos pour revenir dans la cuisine. Là, Luffy se retourna et prit un air penaud, comme pour excuser le désordre. « Je ... Je voulais te faire un gâteau mais ... » Il montra ses mains toutes enfarinées. « Mais je crois que je ne suis pas très doué en cuisine. » avoua-t-il piteusement, la tête baissée, oubliant pour un temps ses questions à propos de Sutton.

keep calm and eat all the cake (luffy et ilyès)

Ne trouvant rien à faire, j'avais tout simplement accepté l'invitation de Luffy en ne sachant pas vraiment où cela nous mènerait. Je savais que son vrai prénom était Lucille, certes c'est un joli patronyme, mais pas à la hauteur du caractère du jeune homme. Non. Luffy est quelqu'un d'original, Lucille ça fait trop sage, trop calme, trop plat alors que ce n'est pas lui d'être ainsi, donc j'ai conclu que Luffy lui allait mieux et il était du même avis, tout allait bien. Je vagabondais dans mon appartement à ranger plusieurs fringues qui traînaient, des cartons d'emballages de nourriture surgelée et d'autres petits objets qui sont tombés à ras le sol. Ma sœur est partie en Suède, et tout d'un coup, je me sens plus libre, sans personne qui décidera de ce que je dois faire ou non. Mais en même temps, ce n'est pas pareil et ce n'est pas pareil quand je ne suis pas avec Gibbs. Je ne sais pas, ce mec me rassure, il me rend moins con. Quoi qu'un con, ça ne change pas. Je finis par mettre un simple jean délavé, une chemise bucheron rouge et de simples chaussures noires. Je dois mettre bien un quart d'heure pour m'arranger la tête. Sûrement parce que je n'ai pas envie qu'il me compare à un zombie à cause des multiples nuits blanches que j'ai fait en l'espace d'une semaine. Je sors du tiroir plusieurs excitants pour ne pas paraître ennuyé ou fatigué face à lui et sors un peu plus neuf de la salle dans laquelle je régnais quelques instants plus tôt.

Quand j’arrive devant sa porte je ne toque pas, non je reste plusieurs minutes devant, les mains dans les poches dans le froid en réfléchissant à des choses complètement débiles. J’inspire un bon coup avant de reprendre un cachet pour être un peu plus vivace qu’un escargot et finis par taper trois fois sur la porte en attendant qu’il m’ouvre. Je hoche la tête avec un faible sourire pour lui dire bonjour et entre dans son studio quand il m’accorde le droit d’y entrer. Je le vois directement partir en direction de la cuisine mais ne le suis pas. Je garde mon corps immobile dans le salon en regardant tout ce qu’on peut regarder même si je connais par cœur cet endroit à chaque fois que je viens ici j’ai envie, rien que pendant quelques secondes regarder le hall d’entrée. Il m’explique le fait qu’il avait souhaité faire un gâteau et me montre ses mains pleines de farine. Un nouveau sourire, celui-ci sûrement plus niais et l’accompagne dans la cuisine en regardant l’état un peu plus potable de la pièce. Je me dirige vers son plan de travail et demande : « Tu as un livre de cuisine ? » je m’y connais rien, alors si je reste dans l’optique de le faire avec lui, il m’en faut un sinon, c’est voué à l’échec. Alors que je commence à ranger l’endroit pour plus de confort, je reprends la parole, cette fois-ci avec plus de curiosité. « T’as fais quoi tout ces jours ? » Ouais j’étais honnête, je me foutais pas de sa gueule j’avais vraiment envie de savoir ce qu’il faisait de ses journées. Juste pour me rendre compte que j’étais un vrai feignant à côté de lui.

Ce qui lui plaisait chez Ilyès, pour que son coeur batte plus vite et plus fort quand il le voyait ? Ses mains, peut-être, chaudes et puissantes, qui le caressaient avec art, ou peut-être ses yeux, sombres mais empreints de douceur, ou encore peut-être son corps, qui semblait épouser si parfaitement le sien quand ils faisaient l'amour. Lorsque Luffy lui montra ses mains pleines de farine, Ilyès sourit. Aussitôt, le jeune étudiant en tira un intense soulagement et poussa un léger soupir. « Tu as un livre de cuisine ? » finit par demanda le militaire, toujours d'esprit pratique. Luffy écarquilla les yeux . Jamais l'idée ne lui aurait traversé l'esprit alors que clairement, il avait besoin d'un bon coup de main. Il tira une chaise et monta dessus pour atteindre le placard où il rangeait un tas de choses inutiles - dont le livre de pâtisserie. Quand il redescendit de la chaise, il posa l'énorme bouquin sur le plan de travail, à côté du saladier rempli de farine et se mit à le feuilleter jusqu'à trouver la recette du gâteau au chocolat. « T’as fais quoi tout ces jours ? » Luffy se passa la main dans les cheveux, se retrouvant plus décoiffé qu'il ne l'était déjà et garda les yeux rivés sur le bouquin pendant qu'il faisait semblant de lire la recette. Il aimait bien qu'Ilyès s'intéresse à lui, à ce qu'il faisait, à sa vie mais ... Il devait toujours faire attention à ne pas en dire trop. A nouveau, il commença à se tordre les doigts pour expier sa nervosité et se mordilla la lèvre. "Je suis allé en cours. Je ... J'ai bien réussi mes examens, je crois." Il mentait à moitié, n'étant pas réellement sûr d'avoir bien saisi tous les exercices mais il priait pour que ses efforts payent. "Et ... Voilà." conclut-il, pas très fier de mentir par omission à Ilyès. Il n'était pas allé qu'en cours, bien sûr. Il avait fait plein de choses entretemps : lire, faire un tour dans un bar avec des amis de la fac, se tromper de toilettes et débarquer au beau milieu d'une meute de filles. Luffy finit par relever les yeux vers Ilyès, détailla la beauté de sa bouche, l'éclat de ses yeux, le sourire caché. Luffy sentit son petit coeur battre un peu plus fort et il rougit légèrement. "Je suis content que tu sois là." finit-il par avouer, un timide sourire aux lèvres. "Je veux dire ... Malgré ta copine." A peine ces mots avaient-ils franchi le seuil de ses lèvres qu'il se plaqua la main contre la bouche. Quel con ! Quel con il était ! "Je veux dire ... Euh ... Euh ... Ca me dérange pas, hein, après tout, on est pas des amoureux toi et moi ... Je me demande juste ... Pourquoi tu m'as pas dit ?" Faux. Bien sûr que ça le dérangeait. Mais il ne voulait pas braquer Ilyès. Luffy reposa son regard sur le bouquin de cuisine comme s'il détenait quelque secret magique et fit de son mieux pour tâcher de rester digne.

Je le vis monter sur une chaise pour accéder à une étagère où le livre y reposait. Quand il tourna les pages pour trouver la bonne j’observais avec attention la recette tout en l’écoutant parler. Ses examens c’étaient plutôt bien passé et je lui offris un sourire pour le féliciter même si les félicitations n’auront lieu seulement lorsqu’il aura les résultats. Doucement je commence à placer les ingrédients par ordre de passage. A vrai dire, je suis plutôt excité de débuter cette confection, je cuisine rarement, je n’en prends jamais plaisir mais à ses côtés c’est bien mieux. Ainsi, on pourrait me comparer à un gamin qui découvre un tout nouveau jeu fantastique mais je ne laisse pas complètement montrer ma joie. Je ne veux pas la sortir, pour ne pas tomber de haut. Comme là. Comme ce qu’il me disait. Certes, cela me faisait plaisir qu’il soit tout aussi content que je sois avec lui mais comment pouvait-il savoir pour Sutton ? Je n’avais jamais parlé de l’un à l’autre et une seule solution me vint à l’esprit. « Tu m’espionnes maintenant ? » Pour éviter d’exploser, l’œuf, blottit dans ma main, s’écrase quand je ferme mon poing avec brutalité. Tout en essayant de me contrôler j’essaye de me concentrer mais il est impossible de penser à quelque chose de bien et mon esprit bouillonne de multiples sensations trop variées pour y mettre un mot. « Comme tu le dis si bien, on n’est pas amoureux alors t’as pas besoin de le savoir, non ? » Je le fixe de mes yeux menaçants et me redresse car je sens que je vais péter d’une minute à l’autre. Mes jambes vont vers le lavabo pour essuyer mes mains et également lui tourner le dos. Non. Je ne veux pas le voir, encore moins le regarder dans les yeux. Mon cerveau est embrouillé et je prie pour que les médicaments fassent effet et que je ne tombe pas en bouillit toute endormie d’une minute à l’autre. J’essuie mes mains grâce à un torchon et une fois sèches je passe l’une d’elle derrière mon cou pour le craquer. Je doutais à présent de multitudes de choses et m’imaginais, ne serait-ce qu’un instant, sans lui. Impossible, je ne tiendrais pas. C’est comme un calmement, quelqu’un avec qui je ne me prends pas la tête pour un oui ou pour un non. Je n’ai pas envie qu’il devienne comme ces nombreuses personnes que je finis par détester à cause de leurs paroles déprimantes sur mon comportement. Tellement surpris, je reste sans rien dire. Je ne comprends pas vraiment ce qu’il se passe en fait je n’arrive pas à penser à quoi que ce soit et là, la seule émotion qui me traverse et la peur. Oui, j’ai peur.

Le cœur battant, les joues rouges, le souffle court, Luffy avait le regard rivé sur Ilyès et un instant, l’expression d’habitude sereine du militaire se mua si brutalement en un masque de colère que Luffy crut qu’il allait le frapper. Mais Ilyès n’en fit rien, se contentant d’exploser un œuf entre ses mains. Luffy sursauta, désemparé. « Tu m’espionnes, maintenant ? » Luffy baissa la tête, honteux. Il avait fait une bêtise, il le savait mais ignorait comment la réparer. « Comme tu le dis si bien, on est pas amoureux alors t’as pas besoin de le savoir, non ? » Malgré la criante injustice dont Ilyès faisait preuve à son égard, Luffy ne dit rien. Il resta silencieux tandis que son amant traversait la petite cuisine pour se laver les mains et rester accroché au lavabon lui tournant le dos, ne lui adressant pas un seul regard. Luffy fixa ce dos tourné comme une porte fermée. Et si Ilyès ne lui pardonnait pas cette incursion dans sa vie ? Il n’y survivrait pas. Il avait besoin du militaire, de ses bras, de son odeur, de ses mots murmurés contre son oreille lorsqu’il était tout prêt à s’endormir. Alors, doucement, après quelques minutes d’hésitation, il traversa le court espace qui le séparait d’Ilyès et vint l’enlacer, collant son torse contre le dos du militaire tandis que ses bras entouraient sa taille. Ilyès sentait bon. Luffy ferma les yeux un instant, s’imprégnant de sa présence, de son odeur, de l’aura rassurante qui émanait de lui. Puis doucement, il murmura contre son oreille. « Je t’ai pas espionné. J’ai ... rencontré Sutton et on s’en est rendu compte. Elle a pas dit grand-chose. » Il se tut un instant, effleurant timidement l’oreille d’Ilyès avec ses lèvres. Luffy sentit une douce tiédeur gagner son propre corps et frissonna. « On n’en parlera plus. Tant que tu es toujours un peu avec moi, comme ça ... Je suis content. » murmura-t-il simplement, les yeux toujours fermés, conscient qu’il faisait peut-être une erreur en laissant à Ilyès la possibilité de continuer deux relations en même temps. Mais que devait-il faire ? Exiger l’exclusivité ? C’était impensable, stupide. Ilyès se serait braqué, et aurait sonné la fin de leur liaison. Luffy ne voulait pas ça. « Fais pas la tête, Ilyès. Fais plutôt le gâteau. » finit par murmurer Luffy un petit sourire aux lèvres, fidèle à lui-même et à ses blagues parfois innoportunes.

Je ne fis pas grand-chose qu'essayer de me contrôler. J'avais envie de m'en aller, de partir loin et d'exploser la figure à Sutton. Mes plans diaboliques furent stoppés par le contact de Luffy et je sens ses bras s'enrouler autour de ma taille. Si je ne tenais pas à lui je l'aurais rapidement poussé, loin de moi. Mais je n'étais pas encore à bout, après tout le jeune homme avait plutôt bien pris la nouvelle. Du moins, c'est ce qu'il me fait comprendre. Son souffle chaud racle mon oreille et me donne de nombreux frissons. J'écoutais ses dernières paroles et me retourna pour lui faire face détestant parler dans le vide, sans pouvoir lire les yeux de mon interlocuteur et ceux du jeune adulte étaient si magnifiques que ce serait être fou que de ne pas les observer. « Ça te rend encore plus mignon timide comme ça. » lui dis-je en essayant de sourire mais je n'y arrivais pas. L'idée trop amère qu'il sache que j'étais en couple me rendait furax. En savait-il plus sur notre relation ? Qu'entre elle et moi, il n'y avait aucune douceur, aucun sentiment ? J'espérais que non, je le dégoûterais encore plus. Quoi que, les deux solutions étaient toutes aussi mauvaises. Mon esprit se dirige aussitôt vers ce fameux gâteau et je tourne ma tête vers le plan de travail toujours parfaitement rangé. Je soupire et dis avec une boule au ventre sachant que ça décevra le garçon de ne pas avoir son gâteau. « Il me manque un œuf. » Oui, je l'avais cassé il y a quelques secondes à peine. Il s'était écrabouillé comme un rien, comme un simple déchet. Je respire doucement et mes lèvres rejoignent - enfin - celles de mon amant. Je ne sais pas si je peux réellement lui attribuer ce mot, car c'est plus que ça, il y a quelque chose en plus de... différent. Non ce n'est pas comme dans les séries télévisées, c'est encore plus complexe à expliquer. Mes mains se posent derrière son cou et je lui dis en pensant fortement au gâteau pour je ne sais quelle raison. « La prochaine fois que tu veux savoir quelque chose sur moi, demande-le moi. »